Au coin de la rue

Croisement…

L’ambiance évolue. C’est le soir. La lumière du jour diminue progressivement marquant la fin de la journée. De manière opposée, la lumière artificielle prend le relais dans cet éclairage de la vie. Le ciel n’est pas encore tout à fait sombre, les lampadaires portent des lumières que nous ne distinguons pas sur le sol. Les couleurs se mélangent et prennent un parfum d’irréel. Le temps et la vie basculent inlassablement jour après jour, nuit après nuit. Inlassablement ? Non pas vraiment. Tout est une question de perspective et de perception : celui de l’observateur ou celui de l’acteur. Ce soir, c’est la vie qui se déroule et elle est pour chacun d’entre nous différente même si nous vivons les mêmes événements (perçus différemment).

Il y a cette grande rue qui en croise une autre plus petite. La société applique des règles pour éviter que ce croisement ne crée le chaos. Tout est codifié avec un soin bien observé : une ligne au milieu de la chaussée délimitant les files de circulation, des lignes frontières du carrefour. Des signaux lumineux dont les couleurs sont distinctes même si elles se mélangent parfois à celles du ciel comme ce soir là. Des bâtiments ceinturant ce lieu de rencontres évitées délimitent les alternatives présentes dans le choix de direction. Les piétons ont leurs propres repères : ils sont acteurs, comme cette vieille dame qui traverse doucement ou comme cette jeune femme qui rentre chez elle pressée d’avoir accompli son travail. Il en va de même pour la circulation.

La diversité humaine s’apprécie dans toutes les actions. La façon de se déplacer en est un bon exemple. Bus, métro, tramway… voiture, moto, scooter, vélo, roller, patinette, ou tout simplement marche à pied. Chacun y trouve son intérêt : sport, économie, partage, solitude, tranquillité… Le choix que nous réalisons se base sur notre perception de notre transport et de ce que nous en attendons. Ces différentes perceptions illustrent la complexité humaine et la société s’est adaptée pour les faire cohabiter. La transgression est l’arme ultime pour faire éclater cette cohabitation.

Ce matin, un parterre de fleurs jonche un des coins du croisement. Je sens le regard des passants curieux et craintifs, je distingue les proches tristes qui en veulent à cette société, qui en veulent à l’être qui est parti, qui s’en veulent tout simplement. Les murmures me racontent la rencontre entre une voiture et un scooter qui ne respecta pas le feu rouge. Devons nous lui en vouloir ? Avait-il conscience de ce qu’il a fait ? Ce qui a été fait ne peut être défait et le sens de la vie perdue n’existe que dans la leçon que les autres peuvent en tirer. Pourtant, est-ce que tout avait été fait pour prévenir cela ? Les trajectoires étaient-elles destinées ?

Ce matin, le soleil illumine le croisement. Les mille couleurs des fleurs recouvrant le sol remplissent cet endroit de vies éphémères. La tristesse se lit dans les regards. Pourtant la vie poursuit son chemin et dans peu de temps, les traces de ce passé seront oubliées. Au coin de la rue, endroit anodin, la vie s’exprime, parfois avec pertes et fracas.

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