Un nécessaire partage…

J’attends de mes vœux la prochaine révolution industrielle, celle qui va changer le monde une fois de plus.

La première révolution industrielle a consacré les inventions et les brevets comme support au progrès technique et économique : l’industrie autour de la vapeur a permis de changer la face du monde : dans les échanges mondiaux, dans le rapport à la mécanique et au travail. La seconde révolution industrielle, avec la maîtrise de l’électricité, du pétrole et de la chimie, a permis de changer la façon dont nous pouvons exploiter les ressources de la planète et l’accès à l’énergie qui permet à l’Humain d’augmenter son potentiel productif et intellectuel. La troisième révolution est celle de l’informatique, des télécommunications, de l’automatisation et de l’accès à l’information. Le rapport au monde est totalement chamboulé dans ses rapports sociaux et dans sa connaissance.

Et maintenant ?

Nous pouvons constater que les 3 premières révolutions industrielles n’ont pas été que techniques : elles ont fait l’objet de changement sociétaux, de nouveaux rapports sociaux et d’une autre vision du monde. Avant la première révolution, il était par exemple illusoire de faire le tour de la planète, et même avec la vapeur, c’était plutôt la version de Jules Verne en moins de 80 jours. Aujourd’hui, il suffit de commander un billet d’avion pour aller n’importe où quasiment pour le lendemain et chatter instantanément avec n’importe quelle personne connectée à Internet sur la planète. Ce rapport au monde continue donc à évoluer.
L’accès à l’information de manière globalisée et une meilleure conscience d’être locataire sur la planète Terre peuvent faire espérer le meilleur pour les prochaines années. Même si au moment où j’écris ces lignes, les médias et l’attention des français sont tournés vers Manchester où a eu lieu cet horrible attentat, la conscience de l’autre, de l’étranger, augmente : la scène médiatique se fait écho des désastres humanitaires, proches (comme en méditerranée) ou un peu plus lointains. Il arrivera peut-être un jour où un simple accident dans un pays lointain pourrait faire l’objet de la une de nos propres journaux. Je suis intimement convaincu que la prise de conscience sur la nécessaire harmonie mondiale augmente. Mais cela ne veut pas dire que tout va dans le bon sens.
Aujourd’hui, nous sommes en plein règne des multinationales qui uniformisent le monde façon « devenez tous des consommateurs » et qui globalisent les échanges pour seuls motifs de rentabilité financière : produire dans des pays où les normes sociales et environnementales sont faibles afin de vendre avec le plus de marge possible dans des pays socialement plus avantagés. Certains y voient une certaine évolution du monde qui permet à des pays de se développer, d’autres une forme de néocolonialisme financier qui met en compétition les pays afin de favoriser les intérêts de certains.
Mais cette façon de faire arrive à sa fin et ce, selon moi pour deux raisons :

  1. La prochaine révolution industrielle verra apparaître l’économie collaborative. En utilisant la puissance du numérique pour mettre en rapport les besoins physiques et immatériels avec ceux qui peuvent y répondre, c’est toute l’économie qui peut redevenir locale et humaine. La robotisation, l’intelligence artificielle, l’industrie 4.0 va provoquer un déplacement de valeur du matériel vers l’immatériel. Beaucoup de secteurs économiques seront impactés : le coût marginal zéro va s’immiscer partout : dans les transports avec la voiture dont la propriété ne fera plus de sens, dans la connaissance (e.g. wikipédia), dans les outils du quotidien et les services. Ce qui comptera pour le marché (autrement dit la valeur), comme le dit si bien Michel Leboeuf, ce sera la capacité à retenir l’attention des gens, l’attention étant la seule chose de réellement limitée (en temps) chez l’être Humain. J’espère que l’attention des personnes sera plus forte pour des considérations plus sociétales et moins capitalistiques : sociétales avec la vision d’améliorer la vie des êtres humains, moins capitalistiques dans le sens où la propriété sera moins importante que le seul fait de vivre. Il faut quand même rappeler que tous les gros consommateurs d’aujourd’hui le font au détriment des autres humains de cette planète, notamment en créant une dette écologique que tout le monde devra payer à la fin et une dette économique dans un commerce non équitable.
  2. La conscience environnementale. Nous prenons conscience, bien trop lentement, de l’impact des activités humaines sur la planète. Le réchauffement climatique et la vague d’extinction des espèces animales et végétales qui sont actuellement en cours posent de lourdes questions quant à l’avenir de l’espèce humaine sur la planète. Je pense sincèrement que nous sommes à la croisée des chemins : nous avons les technologies pour compenser notre impact sur la planète et nous devons nous projeter dans celles permettant de garantir un minimum de futur enviable pour les prochaines générations. Nous savons le faire, mais nous n’en avons pas encore la volonté, coincés que nous sommes dans ce système de la course à la croissance infinie.

Ces deux raisons peuvent se rejoindre : la progression de l’immatériel peut se combiner avec la conscience environnementale. Mais à quoi ressemblerait ce futur ?

Ce futur, c’est déjà un futur où tous les besoins primaires des êtres humains seront satisfaits : la faim, le logement et la santé. Ceux qui veulent aujourd’hui ériger des frontières pour éviter l’arrivée de migrants se trompent de combat : il est quasiment interdit d’empêcher l’immigration si l’on respecte nos valeurs morales (des droits de l’Homme). Et si aujourd’hui des personnes veulent changer de territoires, c’est que quelque chose les pousse à en partir. La prochaine révolution industrielle devra amener à ces territoires le nécessaire développement permettant aux peuples locaux de s’épanouir là où ils sont. Et quand je parle de développement, je parle aussi de la place de la démocratie et des libertés de conscience (i.e. l’immatériel).
Ce futur est un futur où l’Humain concevra son évolution avec la planète : tout produit utilisé ou activité devra être éco-conçu : son impact lors de sa conception, fabrication, utilisation et recyclage sera évalué, validé et compensé si nécessaire.
Ce futur sera un futur où l’Humain prendra soin de lui-même : l’exploitation des uns par les autres sera minimisée car contre productif (au regard des tensions, des migrations, des affrontements à gérer). Un début de réponse peut être avec certains qui veulent le salaire à vie.

Mais cela ne veut pas dire que ce futur soit un futur totalement enviable : je pense que la planète verte et bleue que je connais actuellement va laisser place à une planète hostile et polluée. L’Humain devra se créer des ilots de vie grâce à sa technologie, se protégeant de la pollution qu’il a lui même créée auparavant. Dans un précédent billet de 2011, j’évoquais déjà ma crainte de devoir s’accommoder de cavernes d’acier Lien… Je n’ai plus beaucoup de doute à ce sujet.
Ce futur n’est pas garanti : la tentation de revenir sur nos valeurs morales fondamentales (des droits de l’Homme et de la liberté de conscience) sera toujours là. Mais si nous abandonnons ces valeurs, alors pour moi, cela voudra dire que l’Humanité aura échoué.
Ce futur sera difficile à créer. Pour celles et ceux qui sont dans les pays développés, il y a tout un changement intellectuel à opérer. Aujourd’hui, nous ne payons pas au vrai prix les différents biens que nous achetons. Il paraît d’ailleurs accessible de vouloir se construire une grande maison, d’avoir de grosses voitures, de visiter les 4 coins du monde… C’est comme si on achetait nos biens et services avec une carte de paiement à débit écologique illimité. La réalité est tout autre. Ramener les coûts cachés dans les coûts vus par les consommateurs va mécaniquement changer la façon de consommer et de reconsidérer la valeur des choses.

Ce changement sera difficile car il touche à la liberté individuelle et à la notion de réussite personnelle : aujourd’hui, nous avons la liberté de polluer. Demain, cela devra être interdit et tout le monde devra en être convaincu (c’est exactement similaire à l’interdiction de fumer dans les lieux publics en France). Réussir aujourd’hui, n’est-ce pas pouvoir s’offrir ce que l’on veut ? Mais l’essentiel ne serait-il pas ailleurs ?

Bref, avec ces quelques mots, j’ai voulu partager un point d’étape intellectuel. Les débats politiques des dernières élections ont été instructifs. Transformation naturelle du système par ses propriétaires, ou planification écologique, nous avons un choix de riches. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à celles et ceux qui n’ont pas ce choix.

Pour aller plus loin, je conseille vivement le visionnage de la conférence de Michel Leboeuf sur les défis des trains à grande vitesse, exercice de prospective qui peut s’appliquer à tout :

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