Consommation des véhicules : l’arnaque de l’homologation !

Cela fait un petit moment que je m’intéresse aux voitures et à leur consommation. Je lis des tests de journalistes, de passionnés et je regarde avec attention l’ensemble des données que je peux trouver. La question de la performance des voitures est un sujet passionnant : consommation, accélération, reprise, agrément… Beaucoup d’éléments à prendre en compte. Dans ce billet, je me focalise sur 3 véhicules essence (les véhicules électriques ne correspondent pas à mon besoin ni à mes exigences, et le diesel est malheureusement trop compliqué à dépolluer). Les 3 véhicules sont :

  • Un Peugeot 2008 Allure, avec un 3 cylindres 1.2l turbo de 110 chevaux. Longueur : 4,159 mètres, largeur : 2,004 mètres (inclus rétros), hauteur : 1,556 mètre, coffre : 350 litres, poids : 1090 kg.
  • Une Ford Fiesta Titanium avec un 3 cylindres 1.0l turbo de 100 chevaux. Longueur : 4,040 mètres, largeur : 1,941 mètre, hauteur : 1,476, coffre : 292 litres poids : 1163 kg.
  • Une Honda Jazz Exclusive avec un 4 cylindres 1.3l atmo de 102 chevaux. Longueur : 4,028 mètres, largeur : 1,980 mètre, hauteur : 1,550 mètre, coffre : 354 litres, poids : 1110 kg.

Les trois véhicules ont a peu près le même encombrement : la Fiesta est un peu plus petite, le 2008 est typé petit SUV et plus haut sur pattes et la Jazz typé minispace. En termes de performance, on peut regarder les consommations normalisées (boite manuelle) :

  • Conso. urbaine (l/100km) : 2008 : 5,3 / Fiesta : 5,4 / Jazz : 6,3
  • Conso. mixte (l/100km) : 2008 : 4,4 / Fiesta : 4,3 / Jazz : 5,2
  • Conso. extra urbaine (l/100km) : 2008 : 3,9 / Fiesta : 3,6 / Jazz : 4,6

Premier constat : les véhicules équipés de turbo obtiennent des consommations normalisées inférieures d’1 litre à celui du véhicule atmosphérique, et ce malgré des tailles et poids proches. Au delà du moteur et du gabarit de la voiture, d’autres paramètres entrent en jeu dans la consommation comme les réglages des rapports de la boite de vitesse.

De manière assez mécanique, l’homologation sur l’émission de CO2 pour les voitures suit la tendance :

  • g. CO2/km : 2008 : 103 / Fiesta : 97 / Jazz : 120

Aux yeux de l’homologation, le 2008 et la Fiesta enterrent la Jazz.

Regardons maintenant un autre critère de performance, l’accélération et la vitesse max :

  • 0 à 100 km/h en s : 2008 : 9,9 / Fiesta : 10,5 / Jazz : 11,4
  • Vitesse max en km/h : 2008 : 191/ Fiesta : 183 / Jazz : 190

Idem, le chronomètre enterre la Jazz au profit de la 2008 et la Fiesta. Ce chiffre rejoint le sentiment donné par nombreux utilisateurs concernant l’agrément des moteurs à turbo downsizés : ils sont plaisants car coupleux. Sur la vitesse max, j’observe que la Fiesta termine un peu plus lentement, probablement du fait de sa faible cylindrée et de rapports de boite trop longs.

En termes de performances d’accélération, les moteurs turbo montrent leur avantage face au moteur atmosphérique.

Mais quand je lis ces chiffres, je ne peux que m’interroger. Les 3 véhicules ont des poids assez proches, des gabarits comparables, et chacun des 3 constructeurs cherchent à optimiser au maximum leur véhicule. Les 2008 et les Fiesta doivent révolutionner l’industrie automobile, car si l’on croit ces chiffres, ils sont capables d’être à la fois plus performant en termes d’accélération (et d’agrément) et de consommer 20% moins de carburant. Physiquement, cela veut dire que le rendement des moteurs doivent battre des records (ou que celui de la Jazz est bien nul). Pour rappel, le rendement typique d’un moteur thermique essence est de 36%. Toyota a poussé les 38% et la limite théorique est d’environ 60% (https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/automobile-le-moteur-thermique-n-a-pas-dit-son-dernier-mot_106708).

Mais de là à gagner 20% et être plus rapide à la fois… j’ai de sérieux doutes. Pour vérifier cela, il faut regarder la consommation réelle des véhicules réalisée par Monsieur et Madame tout le monde. Compiler des chiffres est un exercice difficile avec plein de biais possibles : le mieux est d’avoir le plus de données possibles pour avoir des tendances moyennes. Pour faire la comparaison, j’utilise ici le site spritmonitor, qui collecte les données de différents conducteurs volontaires où qu’ils soient (principalement en Europe). Sur les critères, je mets les filtres suivant : je veux des véhicules ayant parcourus au moins 5000 km mesurés, mis en circulation à partir de 2015 jusqu’à maintenant, en boite manuelle pour les 3. Les résultats sont les suivants :

Alors même si ces chiffres ne sont pas totalement représentatifs, il est très intéressant de constater :

  • Une inversion totale entre la consommation moyenne réelle et celle homologuée. La Jazz repasse devant tout le monde avec un écart très net, totalement inversé par rapport à l’écart qui était en sa défaveur dans le cycle d’homologation.
  • Les consommations réelles de la Jazz se rapprochent de celles normalisées alors que celles des 2008 et Fiesta divergent.
  • Des consommations max des Fiesta et 2008 à plus de 8l/100 km posent question quant à la frugalité de ces moteurs et au caractère joueur de leurs conducteurs.

Que retenir ? Tout d’abord, nous voyons ici les limites du cycle d’homologation tel qu’il existe. Les valeurs retenues pour la pollution (émission de CO2) ne sont pas représentatives de ce qui se passe en réel : ainsi les bonus/malus reposent ici sur un indicateur malhonnête et tout cela sent l’arnaque. D’autre part, les moteurs turbo sont peut-être bons sur le papier, dans le sens où l’agrément fournit au conducteur (couple et disponibilité) est meilleur, mais cela induit peut être un comportement plus sportif qui pénalise la consommation réelle, avec le résultat que l’on a vu.

Au final, à moins d’avoir une révolution dans les moteurs thermiques, la consommation sera liée avant tout au poids, au gabarit et au niveau d’accélération ainsi qu’au comportement au volant. Les moteurs turbo downsizés ont été conçus pour passer ces fameux tests d’homologation, et pour fournir un comportement proche d’un moteur diesel, où le couple permet d’être collé à son siège sans trop jouer du levier de vitesse. Et il est tentant d’utiliser cette puissance facile pour s’amuser avec la consommation qui grimpe. Inversement, les moteurs atmosphériques sont plus creux et nécessitent d’être montés dans les tours pour avoir du répondant… ce qui nécessite un certain effort au conducteur qui se contentera en moyenne d’une plus grand mollesse et donc d’une meilleure consommation.

Edit 27/02/2018 : Un de mes amis, Loïc, m’a partagé cet article qui revient sur le fonctionnement des moteurs avec turbo et les avantages/inconvénients : http://www.fiches-auto.fr/articles-auto/fonctionnement-d-une-auto/s-1873-differences-entre-moteur-atmospherique-et-suralimente-par-turbo.php

Les commentaires sont clos.