Free mobile, l’art du Low cost

Tout le buzz autour de Free Mobile montre bien qu’il y a une attente sur le secteur de la téléphonie mobile pour que les choses bougent.

En présentant des offres moins chères, Free et son emblématique patron marchand de tapis montrent que la marge dans ce secteur peut baisser et c’est la logique du marché et de la concurrence.

Honnêtement, j’applaudis mais cela ne veut pas dire que l’offre de Free est la meilleure offre, c’est juste la moins chère. Quand Free s’est lancé dans l’ADSL, les débuts ont été difficiles et Free a utilisé à la fois le levier des prix et de l’innovation avec la Freebox pour se faire une place sur le marché, avec aujourd’hui 25% de part du marché. Même si la Freebox est peut-être l’une des offres les plus technologiquement avancées encore aujourd’hui, cela ne veut pas dire qu’il a capté tout le marché. Une offre commerciale n’est pas qu’un prix et un produit, c’est aussi la qualité et le service qui va avec. Acheter à un prix non discount chez Darty est intéressant si l’on est intéressé par les services offerts par Darty.

Concernant la téléphonie mobile, le challenge est d’autant plus complexe pour Free qu’il ne propose aucune innovation : c’est donc sur un seul atout tarifaire qu’il compte se faire une place au soleil. Est-ce suffisant ? Regardons de plus près.

La téléphonie mobile est une technologie qui évolue beaucoup plus vite que le filaire. Le nombre de normes qui ont été déployées le démontre : GSM, 2G, GPRS 2,5G, EDGE 2,75G, 3G, 3G+ avec ses variantes, bientôt le LTE 4G, LTE-Advance, etc… dans approximativement le même laps de temps que le déploiement de l’ADSL. Free prend le train en déployant uniquement de la 3G (et 4G), mais pour avoir une compatibilité avec les terminaux et une portée nationale, il utilise un accord imposé par le régulateur d’itinérance pour la 2G (notamment pour les appels voix). Ce qu’il faut comprendre c’est que la gestion d’un réseau d’accès radio est bien plus complexe que celle d’un réseau filaire : il y a les interférences, les problématiques de couvertures radio, de débits / puissances et de coexistence des différentes normes à établir sur le terrain.

L’argument de dire que les opérateurs ont rentabilisé leur réseau depuis longtemps n’est pas très justifié : toutes les normes ont imposé des nouveaux déploiements, mises à jour et impact. Est-ce que les opérateurs se font beaucoup de marge sur le mobile ? Assurément au vu les actuels profits et dividende. En même temps, la qualité de service offerte par les réseaux radio mobiles est aussi excellente. Il suffit d’aller à l’étranger pour voir que tout n’est pas aussi bien fait… Et il suffit d’aller aux USA pour se rendre compte que nous sommes grave en avance (entre le CDMA et le GSM, capter quelque chose de correct en dehors des centres villes US relèvent du miracle…). Nous avons jusqu’à maintenant payer au prix fort une qualité remarquable et engraisser les opérateurs. OUI !

Tout le challenge de Free est donc ici : maintenir une qualité suffisamment bonne qui tient dans les tarifs proposés. Et il y a plusieurs raisons qui me font penser que le confort proposé par un opérateur majeur qui a déployé toutes les technologies depuis 10 ans ne sera pas égalé par Free.

Le premier argument est que Free ne couvre que 30% du territoire avec ses propres équipements, uniquement pour la 3G. Pour la 2G et en dehors des zones couvertes pour la 3G, il y a une itinérance sur le réseau d’Orange. J’ai de sérieux doutes sur la qualité du déploiement des antennes de Free : aujourd’hui, ces antennes sont peu nombreuses et ne doivent pas trop être en interférence les unes avec les autres. A partir du moment où Free va multiplier ses antennes pour mieux couvrir à la fois en capacité pour suivre la demande dans les villes et en territoire, cela sera difficile à gérer et ils ont intérêt à embaucher des experts… Et je n’ai pas envie de subir les dysfonctionnements d’un réseau qui prend l’eau (chose que j’ai connue par ailleurs chez Orange avec le déploiement de la 3G+ il y a un bon moment). L’autre point qui pose question se situe à la frontière entre le réseau couvert par Free et le réseau d’Orange. Les mobiles devront faire des handovers entre les réseaux et cela n’est pas très certain que cela se fasse de manière transparente. Je veux bien croire qu’un abonné Free mobile sous zone uniquement Orange aura un bon service. Je pourrais croire que ce même abonné sous zone uniquement Free aurait un bon service. Mais je me pose des questions quant à la coexistence, c’est à dire au moment où l’abonné change de zone. Cela va amener des surprises, car le Roaming national (c’est le nom de cette approche) n’est pas quelque chose qui existe de manière courante. L’autre point concerne l’itinérance data en mode Edge, qui est indispensable dans les zones moins denses. Avoir l’EDGE pour la data est l’assurance d’avoir un débit tout mini mais existant à la campagne et dans les bâtiments. Or ce n’est pas précisé dans les documentations de Free à quoi l’on a accès. Si vous prenez un abonnement chez Orange, il est contractualisé l’accès aux technologies déployées par Orange (en l’occurrence toutes les normes mentionnées plus haut). Chez Free, en dehors de la 3G et d’un accord d’itinérance 2G/3G qui s’applique de manière floue sur la voix et data (2G = 2,75G ?, 3G=3G+ ?), la question se pose. Acheter quelque chose de flou, non merci.

Bien, en ayant posé ces questions techniques, on pourrait penser que je souhaite défoncer l’offre de Free. Ce n’est pas mon propos. J’essaie d’être objectif.

Le forfait à 2€ est certainement celui qui est le plus important : il signe la fin du prépayé en France. Pour les personnes qui ne passent pas leur vie derrière leur téléphone, c’est un forfait idéal. C’est le gros point fort de l’annonce d’hier.

Pour le forfait à 19,99€, oui il y a un gain en prix indéniable, mais il est relativisé par le coût des terminaux pour réellement profiter de toutes les possibilités de ce forfait. L’intérêt d’une telle offre est idéal pour les gros consommateurs, mais ils ne sont pas majoritaires. Pour ceux, qui comme moi, ne téléphone pas vraiment, consomme de la data sans exagérer, l’offre en tant que telle ne m’intéresse pas : seul son prix m’intéresse ! Les autres opérateurs sont en train de bouger, Virgin Mobile sur SFR qui propose quasiment la même offre que Free (sans les inconvénients du réseau), Sosh assumé par Orange qui reste plus cher avec des offres segmentées mais qui se rapproche.

J’applaudis donc Free pour oser bouger le marché et j’attends avec impatience la réaction de tous les autres opérateurs. Malheureusement, à court terme, il n’est pas possible que Free mobile puisse offrir une qualité réseau égale à celle que me fournit Orange. La montée en charge du réseau de Free se fera avec des effets de bords. Il y en a eu chez les opérateurs historiques, il y en aura chez Free.

Concernant le service offert, j’attends donc de voir. Concernant le service client, là aussi on peut se poser des questions. C’est aussi cela… la philosophie low cost : c’est l’opposé de la philosophie d’Apple. Apple vend des produits chers, avec une énorme marge et le service client proposé est extra. Le low cost, c’est fournir des produits bas prix qui ne sont pas forcément mauvais avec un service client en mode « on fait ce que l’on peut ». Ce qui est amusant c’est qu’il y a beaucoup de fans d’apple qui disent « c’est génial free » alors qu’eux-mêmes adoptent un comportement inverse en adoptant un terminal hors de prix Apple : l’humain et ses contradictions !

En résumé, ce qui compte c’est que chacun ait l’offre qui lui plaît. Aujourd’hui, nous n’avons aucun retour sur expérience sur le fonctionnement de l’offre Free mobile. Je souhaite donc bon courage à tous les « impatients » qui ont déjà souscrit. Si l’offre marche bien, je souscrirais très certainement, mais pas avant quelques mois ou années. Entre temps, j’attends la mise à jour de mon forfait Orange, qui convient à mes besoins et me satisfait pleinement.

Je n’ai pas besoin d’un abonnement ciné illimité dont je ne me sers pas.

Je n’ai pas envie d’une renault Dacia, même si elle est moins chère. Je préfère une Honda plus chère, fiable et adaptée à mes envies.

Et au fait, que voulez-vous vraiment ?

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