Dune (2021)

Quand j’ai appris que Denis Villeneuve allait adapter Dune, un grand enthousiasme m’a parcouru. Nous connaissons la capacité de ce réalisateur pour offrir des films de grand spectacle sans rentrer dans la logique de blockbusters où l’action prédomine. Le réalisateur a en effet signé Blade Runner 2049 et Arrival qui sont, pour moi, de magnifiques films.
Cependant, l’œuvre de Frank Herbert est très riche et beaucoup la juge inadaptable. Pourtant, elle a déjà été adaptée par David Lynch en 1984. Avec des partis pris esthétiques, Lynch avait réussi à adapter les deux premiers tomes de Dune en un unique film, permettant aux non-initiés de comprendre les principaux ressorts de l’univers imaginé par Herbert. Depuis, une mini-série de 4h30 s’est aussi emparée de cet univers (lié aux 2 premiers tomes) au début des années 2000 et collant, cette fois, bien plus près aux romans.
Ma première question a été : quel sera le parti pris de Villeneuve pour son adaptation, en évitant une redite ?

Dune 2021 est une première partie, signe que le réalisateur a voulu prendre son temps. Le film durant 2h35, c’est plus que le temps que la mini série s’est donnée sur le même arc narratif (plus précisément, en 2h35, le film s’arrête là où la mini-série met 2 heures). Le film est centré sur le personnage de Paul Atreides interprété par Timothée Chalamet : ce que ce personnage vit et subit dans cette aventure qui l’emmène de la planète Caladan vers Arrakis. Le film est donc porté par ce personnage et rares sont les scènes où il n’apparaît pas. Il mélange à la fois un côté contemplatif qui pose des décors, des expériences et un côté romanesque où l’on découvre un univers de personnages hauts en couleurs, emprunts de géopolitique. L’action n’est pas le propos principal, comme il est de coutume avec Villeneuve.

Premier constat : Timothée Chalamet est parfait : il incarne avec brio ce jeune homme, que le destin appelle à réaliser des choses qu’il ne comprend pas, voire qu’il ne veut pas. Démarrant sur le registre de l’adolescent qui se cherche, voire qui remet en cause l’ordre établi, la guerre et les manipulations vont l’obliger à murir pendant le film et c’est parfaitement réalisé à l’écran. Chalamet montre son talent à partager des sentiments confus, en demi teintes, ou complétement affirmés. Il est très subtile.


Second constat : la représentation graphique de Dune par Villeneuve est grandiose : le côté absolu du désert, sa dureté et les différents éléments « mécaniques » sont superbement retranscrits à l’écran : les ornithoptères, les moissonneuses, le palais d’Arakeen, les vers des sables, tout est superbe et remis à un goût moderne : nous ne sommes plus dans le kitch de Lynch.

Troisième constat : pour le spectateur qui n’a pas lu les livres ou vu les précédents film/séries, je ne sais pas ce qu’il pourra en comprendre. Villeneuve se focalise sur l’expérience d’un Paul Atreides qui doit grandir dans un univers hostile, où il perd tous ses repères et qui est aspiré, malgré lui, vers un rôle de messie en devenir. L’univers d’Herbert est très peu décrit : nous voyons à l’écran certaines technologies (comme les boucliers au fonctionnement si particulier), nous voyons l’absence de technologies (comme certaines armes à feu) sans que cela soit expliqué. Il est fait référence à un empire qui n’est pas personnifié, et une histoire (en l’an 10191) qui n’est absolument pas évoquée. Le culte du Bene Gesserit est un peu mieux traité mais cela reste très limité. Autre exemple : comment un néophyte peut comprendre le rôle des mentats, sachant qu’ils sont montrés à l’écran, mais non nommés ni expliqués ? Villeneuve prend le pari de ne pas donner les détails, de ne pas décrire l’univers et laisse le spectateur se débrouiller. C’est un pari risqué. Personnellement, ayant lu et vu l’œuvre, j’ai été totalement comblé car je connais la trame, l’histoire et l’univers. Villeneuve est fidèle au livre mais élude son univers pour se focaliser sur l’histoire de son personnage principal : Paul.

Quatrième constat : le film dure 2h35 mais cela passe très vite. C’est même étonnant : comme je le disais précédemment, il y a un aspect contemplatif que je n’ai pas ressenti. Villeneuve se veut lent sur certaines expériences de vie de Paul et il est difficile de comprendre la temporalité de ces expériences : on pourrait avoir l’impression que le film se déroule pendant un week-end. Pourtant, ce n’est pas le cas et de sacrés raccourcis narratifs sont introduits. Pour un film de 2h35, c’est étonnant mais cela fonctionne.

J’ai pu voir ce film en IMAX 3D et en 2D. La qualité de la photographie est splendide. Villeneuve aime ce qui est épuré : dans les palais Atreides et Harkonnen, on ne voit que très peu de choses : peu de meubles, peu de pièces, peu d’espaces : le baron Harkonnen est la maison la plus riche de l’univers, et cela ne se voit pas. Inversement, sur la planète Caladan, nous voyons des paysages d’eau à la « scandinave », sans réelle occupation par l’humain… Et à part une vision vague du palais royal, et de transporteurs sortants de l’eau (dont on interroge l’intérêt d’être sous l’eau), on ne voit rien.
L’interprétation est de très bon niveau : en dehors de Chalamet, j’ai pu noter l’interprétation de Rebecca Ferguson en Dame Jessica, très torturée par certains moments et implacable de l’autre. Villeneuve se permet d’en faire une mère plus humaine qu’une Bene Gesserit pourrait le laisser penser. Je trouve que le personnage de Duncan Idaho est mal traité (et passablement interprété par Mr muscle Jason Momoa). Le baron est parfaitement interprété par Stellan Skarsgård. C’est aussi un plaisir de voir Javier Bardem en Stilgar, même si on le voit peu (mais savoir qu’il est là pour la partie 2 me remplit de joie). Globalement, le cast fonctionne.

La musique de Hans Zimmer ne m’avait pas marqué lors de ma première vision : elle a parfaitement bien accompagné l’expérience que j’ai vécue, avec les grands moments d’emphase que l’on attend des scènes spectaculaires. C’est lors des visions successives que j’ai noté son importance. C’est en écoutant la BO et le fait que l’on se remémore parfaitement les scènes de films correspondantes qui montre que la BO est parfaitement bien intégrée.

Au final, selon moi, le pari de Denis Villeneuve est réussi : son Dune (première partie) est fidèle, visuellement impressionnant, narrativement cohérent sur l’expérience de Paul. Timothée Chalamet est splendide de profondeurs. Le film souffre des raccourcis sur l’univers, trop épuré, trop simple, trop simpliste, ce qui le rend difficilement accessible aux néophytes et parfois trop allégé pour les puristes, mais sans jamais trahir l’œuvre d’Herbert. J’ai hâte de voir la seconde partie, mais il faudra attendre plus de 2 ans… 4,5/5, en attendant la seconde partie. Car ce film ne peut s’évaluer sans sa suite. Il n’est qu’introduction…

Les commentaires sont clos.