C’est une révolution, mais pour combien de temps ?

Dans mon métier, je m’interroge souvent sur l’évolution des technologies et des usages dans notre société. Après avoir révolutionné la façon de percevoir la distance, les télécommunications révolutionnent la façon dont la société se structure avec l’explosion des usages sociaux sur Internet.

Mettre l’humain 2.0 au cœur d’un nouveau monde économique, c’est peut-être un point d’étape que permet aujourd’hui ce réseau mondial. Aujourd’hui, nous passons du modèle centré sur les contenus « Any Content, AnyTime, AnyWhere, Any Device » vers un modèle centré sur les individus et leurs activités, dans ce que j’appellerais « AnyThing, AnyTime, AnyWhere, AnyOne ». Je considère que l’aboutissement d’un tel modèle devrait permettre à l’Humain de dépasser son rapport hiérarchique au travail et à la production matérielle. L’émergence d’une civilisation de la connaissance, non basée sur le travail de production mais sur la valeur de la connaissance et donc de la conception et des usages, se substituera à la production industrielle qui va totalement se robotiser. Cette robotisation est indispensable à plusieurs titres : d’une part pour retrouver un peu d’éthique et éviter que des enfants « pauvres » ne crèvent en fabriquant nos biens de consommation pas chers, d’autre part pour se concentrer sur la valeur ajoutée de la conception et non de la production automatisable.

L’enjeu pour les patrons sera donc de motiver des contributeurs pour ses projets et je perçois que le mode de travail sera éminemment collaboratif. Aujourd’hui, on peut financer des projets directement avec la finance participative (crowdfunding). Demain on contribuera directement à la réalisation technique de ces projets, un peu comme fonctionne le monde informatique de l’opensource. L’importance du réseau, et des plateformes collaboratives ne pourrait qu’augmenter.

Ce changement de modèle n’est peut-être pas adaptable à tous les secteurs d’activités. L’articulation entre le monde non robotisable et le monde de la connaissance reste à inventer. Toutefois, si l’on regarde dans le passé, la révolution du numérique et d’Internet a déjà terriblement bien changé le modèle de société : l’accès l’information, aux catalogues commerciaux, à leur livraison, à l’administration etc… font que tout un pan de la société se réorganise à coup de chômage et de nouveaux secteurs d’activité. Cela ne peut que s’accélérer avec la génération des « digital natives ». Au final, faire ce que l’on veut, ce qui nous fait plaisir, un mythe ?

Je ne sais pas si un tel monde peut exister, car il y a tellement d’obstacles. Le premier obstacle est le contrôle même du réseau. Aujourd’hui l’émergence de nouveaux acteurs est rendue possible par l’ouverture neutre des réseaux. Même si cette neutralité n’empêche pas le fonctionnement de gros acteurs comme Google, on peut rêver d’une concurrence. Le second obstacle est lié au développement durable. Dans une précédente communication, j’avais mis l’accent sur le caractère non durable de notre civilisation mondiale. Toutes les nouvelles technologies de l’information reposent sur une industrie qui compte ses années : épuisement des métaux rares, absence de technologie alternative à l’électronique, recours de plus en plus important à des énergies non-durables. C’est la même chose pour la robotique. Le troisième obstacle est d’ordre structurel : comment considérer la croissance économique dans une telle civilisation de la connaissance ? La notion même de finance doit changer.

Je crois sincèrement que l’Humain doit dépasser sa condition physique de travailleur. Il doit reconsidérer sa place dans la société et son impact sur sa planète. Tout ce bruit électronique pourrait bien servir de moyen, en espérant qu’on le rende durable.

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