Une question d’âge ?

Les anniversaires nous rappellent que le temps passe vite. Ils sont souvent l’occasion de faire un point rapide sur notre propre situation mais aussi un prétexte pour avoir ses amis et famille autour de soi afin de célébrer la chose la plus précieuse : le temps partagé.
L’âge, pour moi, c’est avant tout l’accumulation d’expériences. On pourrait aussi y ajouter une accumulation de richesses matérielles. Les expériences nourrissent nos visions et nos compréhensions du monde. Toutefois, je sais aussi qu’il est très facile de ne pas apprendre du vécu. Nous pouvons considérer nos certitudes comme irrévocables, ou bien considérer que nous n’avons rien à apprendre des autres, ou uniquement faussement apprendre de personnes qui pensent la même chose que nous. D’un autre côté, la richesse matérielle est inhérente à la vie telle que je la connais : construire sa vie peut se comprendre au sens premier : avoir sa maison, sa famille, son confort, et être capable de se projeter dans l’avenir, de s’assurer sur tout ce qui pourrait arriver. La difficulté vient du fait que l’on ne sait pas ce qu’il va arriver. Un chronomètre se déclenche lorsque l’on vient au monde, sans savoir quand il s’arrêtera et sans pouvoir le remettre à zéro. Et de ce fait, la notion d’assurance est assez particulière : elle vise à nous rassurer sur ce qu’il pourrait nous arriver, et à limiter les effets négatifs d’un imprévu, avant tout sur nos proches. Et c’est surtout très matériel : rien n’assure contre la perte du savoir et de la sagesse quand l’un d’entre nous disparaît. Et bien entendu, rien n’assure contre la tristesse de la perte d’un être cher. C’est là que le temps partagé prend tout son sens : le partager tant que l’on peut. C’est dans le partage que notre propre vie, notre vision du monde et notre amour peuvent être transmis et vivre avec les autres, même sans nous.
Selon l’âge, nous n’avons pas le même regard du monde : de l’insouciance de l’enfance, du sans-limite de l’adolescence, à la soif de conquête du jeune adulte, à la prise de recul et de maturité de l’adulte, il ne faut pas nier que les différences d’âge n’aident pas à s’entendre. Les fameuses différences de perception entre générations sont bien réelles. Heureusement, il est possible d’établir des ponts entre ces générations, pour peu que chacune des parties ait l’ouverture d’accepter le regard différent de l’autre. Il est difficile d’avoir un rapport d’égal à égal entre deux personnes ayant une grande différence d’âge : par ses expériences vécues plus nombreuses, une personne plus âgée peut être amenée à juger plus facilement une personne moins âgée (ce qui n’est pas respectueux vis à vis de cette dernière). Pourtant, ce n’est pas impossible. Il suffit de mettre de côté son égo, et de bien comprendre que chacun est sur son chemin de vie. Plus important que la destination, c’est le chemin que l’on parcourt qui est important. Et il n’est pas possible de prendre des raccourcis. Même si le plus sage des Maîtres Yoda est en face de nous, le fait d’accepter sa sagesse, de la comprendre et de la faire vivre en nous est un chemin à parcourir. Les générations plus âgées ont une responsabilité de tendre la main vers les plus jeunes afin que ces derniers ne commettent pas les erreurs déjà commises. En même temps, les plus jeunes ont aussi une responsabilité de montrer les autres chemins possibles et de convaincre les plus âgés. Notez que la notion de jeune et de vieux est très relative et peut s’appliquer quelque soit la classe d’âge.
Rapidement, je peux tenter de redéfinir ici ce que veut dire d’être jeune dans sa tête : c’est garder cette ouverture qui permet de considérer les plus jeunes et les plus vieux d’égal à égal tout en favorisant au maximum les expériences vécues et à vivre.
Heureusement, la vie ne m’apparaît pas comme orthonormée. Selon nos facettes de vie, nos chemins tous différents, nous n’avons pas une maturité uniforme. Un jeune adulte peut être bien plus mature qu’un plus vieux selon son expérience personnelle sur certains thèmes.
Cette diversité de parcours, la diversité de vies, la diversité tout court est LA richesse de l’Humanité.

C’est le propre de l’homme de se tromper; seul l’insensé persiste dans son erreur.

Cicéron

Mais quand les difficultés qui environnent toutes ces questions (concernant la différence entre l’homme et l’animal) laisseraient quelque lieu de disputer, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle  il ne peut y avoir de contestation : c’est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il serait triste pour nous d’être forcés de convenir que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme; que c’est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents; que c’est elle qui, faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature.

Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

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