Si je regarde vers le passé, vers cette année 2016, je me mets à penser à deux personnalités qui nous ont quittés et… je ne veux pas parler ici des artistes intelligents ou décérébrés qui nous ont quittés. Non ! Si il est une chose que j’ai travaillée en 2016, c’est le rapport entre soi, la croyance et la religion et ce qui peut faire élever la conscience humaine. Et ce premier scientifique qui nous a quitté cette année, c’est André Brahic. Astrophysicien, vulgarisateur hors pair, c’est avec un délice que je suivais ses interventions dans les médias, animé par une énergie débordante et un sens de l’humour et d’autodérision assez mordant. André Brahic représente tout ce que je chéris : la curiosité, la soif de comprendre et de partager ce que l’on découvre. Il s’est aussi engagé à défendre la science et sa culture dans notre société souvent trop obnubilée par le divertissement.
Dans la vidéo suivante, réalisée deux mois avant mort, et malgré la maladie, nous pouvons profiter de son talent. Il rappelle notamment que la science, appliquée et surtout fondamentale, est un rempart contre la violence, une protection contre l’obscurantisme et une lutte contre le chômage. Et de rappeler deux citations pour la définir :
La première est d’Erasme :
Homo fit, non nascitur
On ne nait pas Homme, on le devient. C’est l’éducation qui fait la différence.
La seconde est de Fontenelle :
L’esprit curieux, les yeux mauvais.
Savoir plus que ce que l’on voit.
Brahic nous rappelle avec malice que tout fait scientifique est réfutable. Si ce que dit quelqu’un n’est pas réfutable, alors ce qu’il avance n’est pas scientifique (et à quoi bon de s’expliquer…). Pour Brahic, le programme politique idéal aurait trois priorités : la culture, l’éducation et la recherche. Et dans ma tête, cela fait écho à ce que j’ai discuté avec le culte de la raison évoqué par le philosophe Alain (Billet : La République qui nie le culte de la Raison) mais aussi à la violence symbolique de tout système éducatif (Billet : Religion, République et violence symbolique). Avec notre civilisation du divertissement, est-ce que nous mettons en avant ces trois priorités ? Est-ce une caractéristique naturelle de l’être humain de s’affaler sur son canapé le soir et de regarder Hanouna ou bien est-ce le reflet d’un réflexe conditionné du « tu dois consommer et surtout ne pas réfléchir » ? D’ailleurs, un ami discutait avec moi de l’absence de libre arbitre pour un être humain : les décisions que nous prenons ne seraient que le résultat de l’expression chimique de sa propre histoire. Alors, pouvons-nous acquérir cet esprit scientifique par choix au cours de la vie ? Troquer Hanouna pour Arte ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question.
L’autre personne à qui je souhaite rendre hommage est aussi un scientifique et un vulgarisateur. Plus connu par les téléspectateurs comme présentateur du « Dessous des cartes », Jean-Christophe Victor s’en est allé. Et c’est pour moi une grande perte. Jean-Christophe Victor se focalisait sur le long terme : comprendre ce qui se passe, comprendre ce qui va se passer. A défaut de proposer des réponses, il avait le mérite de poser les bonnes questions et de poser les faits pour la compréhension. Ethnologue, expert en géopolitique et en relations internationales, il a fondé son laboratoire privé Lépac (Laboratoire d’études politiques et d’analyses cartographiques) et l’émission d’Arte se base notamment sur les travaux de ce laboratoire.
Adepte d’aller sur le terrain, et d’être dans l’amélioration continue, Jean-Christophe Victor s’est fait un prénom même si sa vision globale de la planète est fortement héritée de son père. Convaincu par l’importance de la scolarisation dans le monde, il défend le fait que l’on n’a pas le droit d’être négatif face à tous les potentiels de l’Humanité, même si cette Humanité ne perçoit pas vraiment la gravité de sa situation face au réchauffement climatique (écocide).
Arte vient de lui rendre hommage et revient sur des numéros du dessous des cartes emblématiques, dont le tout dernier numéro sur les Iles Kouriles.
Alors je peux vous paraître un peu négatif en mettant en avant des personnalités disparues en cette nouvelle année. Ce n’est pas mon propos car c’est à nous de reprendre le flambeau laissé par ces éclaireurs : d’expliquer et d’agir en tant qu’être de raison, de discuter et de comprendre, de changer d’avis et de persuader, d’enseigner et d’être compréhensif, de réfuter et être réfuté. Nous avons besoin de lumière, de futurs prix Nobel car les challenges devant nous sont très difficiles. Mais nous pouvons y arriver.