En regardant les émissions de télévision qui traitent de la réforme des retraites, il est souvent fait référence que la France est un pays qui dépense beaucoup en pourcentage du PIB par an comparé aux autres pays de l’OCDE.
Généralement, pour cette statistique, il est fait référence aux dépenses publiques en pourcentage du PIB. La France, avec son système de retraite par répartition, organise le système de financement des retraites : sur la base de cotisations (salariales et patronales) mais aussi sur la base d’autres impôts (notamment pour financer les régimes spéciaux).
Sur cette statistique, l’OCDE [Retraites publiques] publie les chiffres suivants :
Selon ce critère, la France est donc le 3ième pays en termes de dépenses publiques, avec 13,9% du PIB. Seules l’Italie et la Grèce dépensent plus.
Vu ce schéma, on peut s’interroger sur ce caractère dépensier de la France, et surtout de l’Italie et de la Grèce. Mais est-ce que cette statistique est pertinente ?
Si l’on considère l’effort économique qu’une société consent pour financer les retraites, il faudrait considérer à la fois les dépenses publiques et les dépenses privées pour les pensions par an. En France, l’état est au centre du financement des retraites en imposant un système par répartition avec les cotisations et droits associés. Au delà du système par répartition, il faut considérer ceux à base de capitalisation où ce n’est pas l’état qui a en charge la collecte du financement des pensions et leur versement. Dans les systèmes à base de capitalisation, ces dépenses ne sont pas considérées dans les dépenses publiques.
Ce que je comprends humblement, c’est que les pays ont à la fois des systèmes publiques et des systèmes privés. Il est donc intéressant de pouvoir considérer la somme des dépenses publiques et privées liées aux retraites, par année en pourcentage du PIB.
L’OCDE [Retraites privées] a publié un dossier spécifique à ce sujet. La figure 1.12 du rapport permet d’avoir une vue sur les dépenses privées (fonds de pension) liées aux pensions. Si l’on fait la somme des dépenses publiques et privées, nous obtenons le graphique (fait par votre serviteur) :
La France (14,18%) est désormais 6ième pays le plus dépensier et se situe globalement dans un groupe de 8 pays. L’Italie (16,96%) et la Grèce (16,6%) sont toujours en tête, les Etats-Unis (14,9%) sont 3ième, suivis par le Portugal (14,61%) et le Danemark (14,2%), et derrière la France, l’Autriche (13,55%) et la Suisse (13,4%).
Je ne sais pas si les statistiques que je présente ici sont suffisantes pour bien qualifier les dépenses liées aux retraites, sachant qu’il y a différents systèmes (régime de base, complémentaire, fonds de pension etc…) et d’autres critères seraient à prendre en compte (justice sociale, équilibre etc…). En revanche, je pense que considérer la seule statistique de dépenses publiques induit un biais pour indiquer que la France dépenserait déjà beaucoup pour les retraites. En regardant le graphique que j’ai calculé, je peux conclure que la France fait partie des pays qui dépensent relativement beaucoup dans les retraites, mais n’est pas aussi en haut du classement comme l’indique le premier critère. Ainsi, la France peut très bien considérer de dépenser plus pour ses retraites, comme les Etats-Unis sans pour autant devenir le champion du monde de la dépense. Inversement, nous pouvons aussi nous interroger sur les dépenses bien inférieures de pays « voisins » comme le Royaume-Uni avec 8,9% du PIB de dépenses. Nos amis retraités anglais seraient-ils pauvres ?
Pour aller plus loin, je vous laisse vous amuser avec l’outil suivant :
Vous pourrez voir notamment en bas de page:
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- Le « Pension replacement rate »:Share of net income the mandatory pension is expected to replace for a worker who earns 50% of the average wage. The calculations show the future pension benefits of a worker who enters the system today at age 20 and retires after a full career in the future.
- Poverty rate and Income of people 66+.
- Old-age dependency ratio, Public expenditure on old-age benefits.
- Labour market exit age.
Cela permet d’observer que le système français est l’un des meilleurs sur le « Social equity » (justice sociale), permet de partir tôt et est efficace dans les revenus reversés mais dont la trajectoire de financement de la partie « publique » dérive plus fortement que la moyenne de l’OCDE, ce qui semble logique vu notre système par répartition.
Au final, il faut aussi considérer que les systèmes par répartition et par capitalisation se financent différemment : pour le premier, c’est un prélèvement sur le travail des actifs alors que pour le second, c’est la libération d’un argent accumulé dans l’économie par le travail de la personne concernée quand elle était active mais aussi par le travail des actifs (via le taux de rendement du fond de pension utilisé qui se finance sur l’économie présente). Le système par capitalisation peut aussi se comparer à un système d’épargne imposé au service de la retraite. Le financement d’un système par capitalisation est nativement assuré par le travail passé mais dépend de la situation économique présente lors du paiement des pensions au moment où le fond de pension est libéré. Le système par répartition apparaît plus sensible au changement du ratio actif/inactif et le système par capitalisation plus sensible aux évolutions économiques et financières. Enfin, nous pouvons nous interroger sur l’impact des fonds de pension sur l’économie en lien avec la recherche de rendements financiers.