Le très beau film d’animation Kapaemahu met en avant de nombreuses réflexions touchant à la culture polynésienne, à la soumission des cultures au fil du temps mais aussi interroge les valeurs des sociétés modernes, notamment celles conquérantes.
Sur le site officiel, nous retrouvons les motivations de l’auteur : il fait référence à la culture indigène Hawaiienne d’avant la colonisation et son combat pour sa sauvegarde. L’Histoire nous montre qu’avec la conquête des territoires, le conquérant impose ses valeurs, ses traditions aux peuples locaux, dans une forme d’appropriation totale. Il est difficile pour les cultures indigènes de résister à l’érosion du temps et du colonisateur.
De manière plus actuelle, je m’interroge sur la préservation des identités et cultures locales avec une mondialisation toujours plus forte. Le choc des cultures et des valeurs est d’autant plus frontal qu’il n’y a plus besoin de conquérir un territoire physiquement : le commerce et l’industrie du divertissement peuvent être un sacré levier pour conquérir les esprits.
Un autre point de réflexion concerne l’absence d’échelle du Bien dans les cultures religieuses : une culture religieuse qui remplace/écrase une autre n’est ni « meilleure » ni « pire » que celle remplacée/écrasée (pour Hawaii, la culture/religion catholique contre la culture polynésienne). C’est avant tout une question d’oppression, où le conservatisme est au service de celui qui conquiert et qui a le pouvoir physique.
Le film Kapaemahu fait référence à Mahu, la notion de troisième sexe/genre, qui faisait partie de cette culture polynésienne [wiki]. L’auteur est Mahu lui-même et défend sa vision du monde. Ces questions de relation au genre, aux droits LGBTQ, traversent le monde occidental judéo-chrétien de manière compulsive : lutte entre conservatisme religieux et vision plus raisonnée. Et dans des sociétés plus fermées (comme certaines de tradition musulmane), cela reste l’objet d’une répression forte, comme si cela était un danger pour elles.
Kapaemahu ne doit pas faire penser que le modèle de société indigène serait meilleur que celui actuel à Hawaii, notamment pour les personnes LGBTQ [de la singularité des contextes locaux à l’universalité des questions sur le genre]. En revanche, c’est intéressant de voir d’autres cultures, d’autres façons d’organiser la société et de relativiser l’absolu religieux dans nos sociétés. Le secret d’une société idéale des Lumières serait, peut-être, de bien séparer les considérations basées sur les croyances et celles basées sur la raison, notamment quand il s’agit d’incarner la tolérance et de respecter la différence.