Le saccage des infrastructures publiques par la mise en concurrence…

Les réseaux d’infrastructures, eau/électricité/télécom, sont par définition des systèmes qui nécessitent des investissements colossaux sur un temps long. Historiquement, ces réseaux ont été constitués par des entités publiques/étatiques, qui chacune en gardait la maîtrise (La Générale des Eaux, EDF/RTE, la DGT/France Telecom). Ce n’était pas un système parfait mais il y avait un pilote dans l’avion avec des règles d’ingénierie, du personnel qualifié et un contrôle qualité. L’inconvénient de tels systèmes est la question de la maîtrise des coûts où le budget public pouvait paraître « sans limite ».

Ces réseaux d’infrastructures sont assez peu compatibles avec une logique d’investissements à court terme avec la recherche d’un retour sur investissement immédiat. Nous assistons depuis des années à ce changement de paradigme avec le « Design to Cost » ou la recherche de la meilleure productivité/rentabilité : les infrastructures sont confiées à des acteurs privés en concurrence. Mais entendons-nous bien, ce n’est pas tant le passage à des acteurs privés qui m’exaspère mais plutôt le fait que la concurrence sur ces secteurs amène ces acteurs à ne pas cultiver le travail bien fait avec des règles d’ingénierie respectées, du personnel formé et qui a le temps de faire du bon travail. En fait, c’est tout l’aspect industriel qui est gommé avec l’ouverture à la concurrence : la concurrence pourrait se réaliser par magie sans partager les règles d’ingénierie et un savoir faire ? En sous-traitant ? Un monde utopiste ? Prenons 3 exemples difficiles…

Exemple 1 : le déploiement de la fibre optique

Le déploiement de la fibre optique est un bordel sans nom, où selon les régions, un opérateur est désigné pour réaliser le déploiement, ou un ensemble d’opérateurs en concurrent directe ou encore un opérateur d’initiative publique faute de concurrence possible pour le déploiement. Cependant, chaque abonné final doit pouvoir être connecté vers l’opérateur de son choix. Sur le terrain, des points de mutualisation (PM) sont créés. Un point de mutualisation fait l’interface entre les boucles locales de fibre optique de chaque opérateur et le réseau de fibre optique, commun à tous les opérateurs, qui dessert tous les bâtiments, immeubles ou pavillons d’habitation [PM].

Ces points de mutualisation sont donc « co-gérés » par les différents opérateurs, avec tous les dérapages possibles quand il n’y a pas de pilote dans l’avion, où les techniciens ne sont pas formés/contrôlés et où le recours à la sous-traitance est critique. L’avicca tire la sonnette d’alarme [avicca]. Nextinpact revient aussi sur cette situation [nextinpact].
Pour illustrer le problème, suivons quelques vidéos de techniciens :
https://www.tiktok.com/@toutsurlafibre/video/6890851584100650241?is_copy_url=0&is_from_webapp=v3&sender_device=pc&sender_web_id=6936645082931021317

https://www.tiktok.com/@toutsurlafibre/video/6883580051397283073?is_copy_url=0&is_from_webapp=v3&sender_device=pc&sender_web_id=6936645082931021317

https://www.tiktok.com/@toutsurlafibre/video/6877460820045925634?is_copy_url=0&is_from_webapp=v3&sender_device=pc&sender_web_id=6936645082931021317

Les mesures envisagées pour lutter contre ces saccages sont les suivantes :

  • « Améliorer la sécurité et la qualité des interventions. Accompagnement systématique (par l’OI) de tout nouvel intervenant sur le réseau, renforcement des procédures contractuelles de reprise des malfaçons, réalisation d’audits communs et l’introduction de sanctions, pouvant aller jusqu’à l’exclusion d’un sous-traitant, en cas de manquement contractuel.
  • Renforcer la transparence. Processus de raccordement entre OI et OC : traitement photographique des interventions des OC (comptes-rendus avec photos horodatées, montage « avant-après », etc.). L’OI pourra, via un contrôle par un système d’intelligence artificielle, identifier rapidement toute malfaçon ou dégradation liée à une intervention et y remédier.
  • Rééquilibrer les coûts de maintenance : entre les OI et les OC, une prise en charge collective des frais de remise en état du réseau, selon une clé de répartition approuvée par l’Arcep ».

Exemple 2 : le mystère de la voiture électrique et de sa recharge

Beaucoup de personnes s’interrogent sur les voitures électriques : actuellement, l’offre des véhicules grandit mais le grand challenge, pour moi, ce n’est pas tant d’avoir des véhicules que d’avoir la capacité à les charger.
Il a fallu déjà définir une prise standard pour charger les véhicules et cela en a mis du temps : chacun des acteurs apportant son « innovation » [automobile propre]
Le standard est donc :

  • le Type 2 pour la recharge en courant alternatif (AC) sur les bornes lentes et accélérées
  • le Combo CCS pour la recharge rapide en courant continu (DC) sur les bornes rapides et ultra-rapides.

Cependant, les réseaux de recharge sont créés par différents acteurs, privés et/ou publics avec un nombre grandissant de réseaux : [recharge]. Les puissances de recharge sont différentes… et le cable de recharge n’est pas toujours sur la « pompe ».

Chaque réseau de recharge nécessite soit un pass, soit un compte/accès à internet pour que cela fonctionne, jusqu’à arriver à cette absurdité de cette concurrence non organisée avec un nombre de cartes/abonnements qu’il faudrait avoir :

Cette situation peut exister car l’autorité administrative laisse le marché décider… Dans le passé, c’était une compagnie publique qui faisait le travail de standardisation et d’implémentation avec les règles d’ingénierie. Aujourd’hui, c’est la jungle mais il paraît que c’est le progrès et l’innovation… Quelques exemples :
POA qui teste la Honda e:

POA qui charge la Honda e à la campagne mais avec une puissance trop faible qui oblige à la laisser sur place :

Mais même aux USA, en dehors de Tesla, c’est la Jungle même sur le réseau VW avec une VW…

Vous le voyez arriver le gros problème de la recharge du véhicule électrique ? Pire, idéalement, il faudrait que toute borne publique de recharge soit ultrarapide avec une puissance de 150KW. Et là, l’ordre de grandeur me laisse rêveur : 150KW, c’est 13 fois l’abonnement électrique de ma maison et c’est la capacité du transformateur en basse tension qui sert mon quartier : il va falloir gonfler très sérieusement le réseau de distribution électrique pour avoir ces bornes en nombre… en concurrence ?

Exemple 3 : la concurrence sur la production et la distribution d’électricité

En France, nous avons EDF mais l’ouverture à la concurrence se fait de manière totalement artificielle. Retour sur la situation avec cette vidéo :

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