Merlí Bergeron

En Europe, nous produisons souvent d’excellentes séries de télévision. Que ce soit au Danemark, en Allemagne, au Royaume Uni, en Islande (…) nous avons d’excellentes productions. Le malheur, c’est que l’on n’en connaît pas la plupart. Nos médias principaux mettent en avant les séries américaines, qui ont des moyens de production assez incroyables (à la taille des Etats-Unis). Pour moi, ce succès à la fois mérité et à la fois le reflet d’une domination culturelle américaine associée à une facilité éditoriale.
Pourtant, quand on creuse, il y a dans les productions européennes quelque chose que les séries US n’ont pas : la proximité.
Depuis 3 ans, je suis une série espagnole (et catalane produite par TV3) qui s’appelle Merli et qui s’est terminée en ce début d’année 2018. Merli est une série soap, se situant dans une classe de lycée de Barcelone. On y suit le personnage principal, Merli, professeur de philosophie ainsi que les étudiants et les collègues. Chaque épisode de la série est dédiée à un philosophe et les aventures des personnages sont des prétextes pour mettre en scène les valeurs et les pensées de ces philosophes.
Brillamment écrit par Hector Lozano, on suit avec intelligence les aventures de ces personnages qui ne sont ni bons ni mauvais mais complexes. Et c’est justement là où la série excelle : à brosser des portraits crédibles et complexes tels que la vie peut réellement offrir.


Merli Bergeron, le personnage principal, est interprété par Francesc Orella : le professeur proche de ses étudiants, génial de pédagogie et anticonformiste, qui retrouve son fils en classe, fils qu’il a abandonné quand il était jeune. C’est un personnage complexe, plein de défauts et agaçant, cultivant son égo mais à la fois génial et généreux. Plein de charisme, séducteur, il fuit les responsabilités. C’est une sorte de docteur House de la philosophie. L’acteur donne beaucoup de lui même et, même si le personnage reste de fiction, il garde un minimum de crédibilité.


Les étudiants sont interprétés par de jeunes et brillants acteurs, qui évoluent de manière spectaculaire tout au long de ces trois ans (ce qui est logique pour des lycéens qui sont en pleine découverte d’eux-mêmes).
La série est catalane et donc latine. Les rapports humains, incluant le sexe, ne sont pas filtrés. Différentes problématiques sont traitées au fil des épisodes : la quête de sens dans une société consumériste, les difficultés économiques et familiales, le rapport au mensonge politique, le rapport à la mort, à la joie, au bonheur, l’acceptation des différences qu’elles soient physiques, intellectuelles, liées à l’orientation sexuelle ou autre, etc… Tous ces sujets sont traités sérieusement, sont crédibles et éclairés par les pensées et valeurs philosophiques. C’est toute l’intelligence de cette série de rendre réel et concret les enseignements de philosophes, de les rendre accessible pour des problématiques bien d’aujourd’hui.
Cette série est ainsi une mise en abîme sur la philosophie, donnant au téléspectateur ce que Merli fait à ses étudiants dans la fiction.
La réalisation d’Eduard Cortès est de bon niveau et je ne peux que féliciter toutes les personnes qui ont travaillé dans ce projet : il est diablement bien réussi.
La première saison est maintenant disponible sur netflix. En France, cette série s’appelle « Philo ». Suivre la série a été compliquée car je ne comprends pas l’espagnol et encore moins le catalan. Pourtant, j’ai pu regarder les épisodes et m’appuyer sur des volontaires qui ont fourni des sous-titres anglais pour chaque épisode. C’est la magie d’Internet aujourd’hui : être capable de briser les frontières. Et je ne peux que conseiller de regarder la série en VO, pour profiter des belles sonorités de cette langue.
On apprend, on rit, on pleure, on vit. Superbe.
Au final, ce sont 40 épisodes de 50 minutes qui sont disponibles avec les 3 saisons. Et le programme est complet :
Els Peripatètics, Plató, Maquiavel, Aristòtil, Sòcrates, Schopenhauer, Foucault, Guy Debord, Epicur, Els escèptics, Els sofistes, Hume, Nietzsche, Els Presocràtics, Thomas Hobbes, Els estoics, Kant, Hipàrquia, Montaigne, Judith Butler, Freud, Descartes, Engels, Zizek, El taoisme, Boeci, Walter Benjamin, Adam Smith, Albert Camus, Karl Marx, Hannah Arendt, Kierkegaard, Thoreau, Plotí, Zygmunt Bauman, Heidegger, Hegel, Sant Agustí.

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