Chapitre 36 : entre rêve et réalité

Un anniversaire est l’occasion de faire un point entre ses envies, sa situation présente et sa projection dans le futur. Je ne sais pas si c’est un exercice sain pour la santé mentale ou bien le signe d’une prise de tête récurrente qui peut parfois être salvatrice. Celle qui m’anime en ce moment est liée à ma vision de mon futur, de mon passé et de mes manques que j’essaie d’évacuer de ma propre condition de consommateur moderne qui souhaite désirer ce que je ne possède pas.

Ayant refermé mon chapitre 36, ces interrogations sont toujours présentes en moi. J’ai bien conscience de ce que j’ai pu bâtir jusqu’à maintenant : j’ai la chance d’avoir pu accéder au savoir, de l’avoir concrétisé dans mes études, et de le concrétiser dans mon travail et dans ma situation matérielle avec un plaisir certain. Durant ces moments, j’ai rencontré des personnes extraordinaires, des rencontres qui ont réellement influencé profondément ma vie, des amis du passé que je ne reverrais peut-être pas demain mais qui comptent, des amis d’aujourd’hui et de demain qui comptent encore plus. Chaque échange me permet de m’enrichir et de devenir meilleur, même si au présent, cela peut être des moments difficiles. C’est le propre de reconnaître que l’on peut avoir tort, que l’on peut faire fausse route. Si j’use et j’abuse de la provocation par des postures parfois caricaturales, c’est avant tout pour provoquer l’échange, même si je ne suis pas aussi ouvert que je le souhaiterais. D’ailleurs, n’est-ce pas le propre de l’Humain d’aspirer à devenir meilleur ? Cette quête de la vie bonne, de la vie réussie pour un mortel est la clé philosophique de notre existence. C’est ce qui m’a intéressé dans mes lectures d’été, notamment avec la relecture par Luc Ferry de cette quête par l’intermédiaire des mythes anciens comme l’odyssée d’Ulysse ou l’épopée de Gilgamesh, ou en prenant l’évolution du mariage d’amour dans notre civilisation moderne.



Actuellement, je vois trois niveaux de manque lié à la réalité et au rêve. Premier niveau : la réalisation d’actes inachevés. Comment se confronter à ce que l’on n’a pas été capable de mener à bien jusqu’à présent ? Si c’est assumé, cela n’est pas un frein. Mais si cela ne l’est pas, cela peut parfois mener au regret voire à la frustration. Cette frustration peut ronger le quotidien, jusqu’à l’handicaper. Le second niveau : la non-correspondance entre les actes achevés et les bénéfices ou la valeur ajoutée que nous y avons associés au départ. Avec le temps, tout change et nous ne regarderons pas demain avec les yeux d’aujourd’hui. Ainsi nous pouvons changer de perspective, revenir sur ce que l’on croit bon pour soi. Il faut avoir le courage de changer de route, de faire des choix. Mais les choix ne doivent pas être des trompes l’œil car la déception peut guetter, puis le découragement. Le troisième niveau : les rêves toujours présents en nous qui paraissent inatteignables. Les rêves peuvent nous guider mais aussi nous égarer de la réalité. Comment réaliser ses rêves ? Est-ce un objectif réaliste ? Il n’y a pas de réponse claire à ces questions qui entremêlent la réalité et l’irrationalité. On peut être heureux en restant dans un univers rêvé et enjolivé et le tout est de ne pas revenir à la réalité. Inversement on peut être malheureux à vouloir poursuivre des rêves que l’on n’arrive pas à atteindre. Les rêves sont pour moi avant tout un moteur qui sert à avancer, à voir le monde différemment que la soupe quotidienne qui peut perdre de sa saveur.

Ces niveaux de manque entre rêve et réalité sont en perpétuelle évolution dans mon esprit car ils sont alimentés par mon expérience de la vie, par ce que je peux observer chez les autres ou dans la fiction. Et je progresse lentement.

Enkidu, où es-tu ?

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