J’ai été frappé par un article assez récent dans libération reprenant les propos d’Andrew Keen, blogueur britannique. Ce dernier est connu pour sa fronde contre l’idélogie induite par le Web 2.0 : l’idéologie de l’amateurisme.
En résumé, il met l’accent sur les aspects pervers d’Internet. Le Web 2.0, favorisant l’expression du citoyen lambda par les blogs, les videos et autres subtilités, met en avant une façon de voir l’échange des données, des informations, des idées et de la culture au détriment des moyens traditionnels. Un premier exemple concerne le journalisme : nombre de blogs rapportent soit des informations sans importance, soit des informations très personnelles, soit, et c’est pire, des informations non vérifiées auxquelles la société apporte de l’importance. Comme si le journalisme était un métier si universel que tout le monde serait par nature journaliste. Cette approche devient dangeureuse à partir du moment où un jugement de valeur est donné pour favoriser cette façon d’informer face aux journaux, aux vrais journalistes avec la fameuse légende urbaine : les journaux sont vilains, peureux ou achetés alors que la vraie information, elle, n’est uniquement disponible que sur les blogs de personnes pseudo-anonymes. Alors bien entendu, les journaux peuvent être critiqués sur leur neutralité, leurs choix. Mais l’ironie à mon goût est que faire confiance à un blog est encore plus dangereux que les journaux. L’auteur du blog n’a aucun compte à rendre, peut être anonyme et surtout sa crédibilité est encore moins vérifiable que celle des journaux : quel intérêt alors ? Pouvoir voir des images inédites filmées avec des téléphones portables sur lesquelles on ne voit rien ou un tas de pixels ? Avoir des informations sur des thématiques « cachées » (Darfour par exemple) ? Hum, pourquoi pas pour ce dernier point à condition que le qui, le pourquoi et le comment des informations soient précisés ? Mais avoir une telle démarche dépasse de loin voir de très loin l’amateurisme de monsieur tout le monde qui raconte sa vie sur son blog personnel…
Civilisation de l’image, de l’apparence, notre société moderne met à sa disposition des outils de plus en plus puissants pour permettre à monsieur tout le monde « moderne » de partager sa vie, ses pensées, ses photos et ses videos. Et soyons clair, rien n’a jamais été aussi médiocre. Lire les instants de vie sans importance, quel intérêt ? Voir des photos amateurs sans volonté de faire quelque chose d’artistique, quel intérêt ? Voir des videos amateurs sur des sujets très discutables et aux qualités médiocres, quel intérêt ?
Cet état de fait dans le monde virtuel n’est qu’un reflet du monde réel ! Dans la vraie vie, la médiocrité a pignon sur rue. Entre les jeunes qui croit que pour devenir un artiste il suffit de faire la starac, entre l’absence du bon sens à tous les niveaux qui pourrit le développement intellectuel et technique de notre société, avec la volonté de ne pas faire les choses correctement, ou de ne pas aller au fond des choses, cet amateurisme et cette médiocrité sont les nouveaux poisons de notre civilisation.
Prenons quelques exemples de tous les jours : le tabac avec les fumeurs qui empoisonnent l’air des autres dans la rue : la vie serait elle trop longue ? Que dire des parents qui fument pendant la grossesse, ou devant/avec leurs enfants ? Notre comportement contre le réchauffement climatique : quelle prise de conscience ? Quelles actions ? Acheter un 4×4 à Paris ? Trouver un professionnel qui répond parfaitement à un cahier des charges et qui fait son boulot à fond sur tous les plans ? Même avec une mastercard, c’est plus que difficile…. etc …
Le réel souci vient maintenant du fait que cet amateurisme et cette médiocrité sont plébiscités : la nullité appelle-t-elle la nullité ? La télévision met en avant les choses sans importance, la vie de tous les jours et l’absence d’exigences. Le Web 2.0 en remet une couche car sans contrainte, monsieur tout le monde ne se donne pas d’exigence et le niveau de créativité est très faible voir nul. Pour les photos, cela est très amusant : il y a les passionnés et les autres. Le marketing a été très fin en faisant croire qu’acheter un bon appareil suffit à faire de belles photos et par raccourci à devenir photographe. Comme pour le journalisme, la photographie serait un art si inné que tout le monde l’aurait par nature. Preuve dans les albums en ligne…. quelle horreur : voir des photos de vacances non cadrées, sans colorimétrie, sans réflexion dans les prises de vue….. cela ne plait qu’aux personnes qui n’ont pas d’exigences.
Pourquoi un tel constat ? Je pense que c’est l’héritage de la société du tout liberté : chacun peut faire ce qu’il lui plait mais surtout avec la liberté de ne pas avoir d’exigence. Avec cet état d’esprit, étant donné que l’être humain est fainéant, il est tout à fait logique que la médiocrité et l’amateurisme deviennent des réflexes innés. Pourtant, naïvement, je définierais l’humain comme une espèce qui cherche à s’améliorer. Mais peut-on s’améliorer si nous nous ne fixons pas d’exigences ? Si nous nous ne fixons pas des objectifs ambitieux de progrès à tous les niveaux ? Si l’amateurisme n’est relégué qu’au second plan ?
Notre société moderne arrive à un tournant : son évolution dépendra de notre capacité à inventer, à créer, à réfléchir, à philosopher, à critiquer, à échanger…… avec exigences. En somme à devenir des lumières pour éclairer notre futur. Sinon, elle ne créera qu’un troupeau de moutons dont les premiers exemplaires sont déjà présents en grand nombre dans nos rues.