Religion, République et violence symbolique

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Dans un précédent billet, je vous parlais du rapport étroit que l’on peut tisser entre Religion et République et sur les droits et devoirs qui s’appliquent à nous, de leur origine et de leur légitimité. Je voudrais revenir sur une partie de cette phrase qui est importante : la légitimité.

Pour qu’un droit et devoir puisse s’applique à soi, il faut l’accepter ou bien nous luttons contre. Et le rapport entre accepter volontairement quelque chose et l’oppression est très étroit. Si j’accepte une règle, est-ce que c’est parce que j’en suis intimement convaincu en tant qu’être libre, ou bien est-ce le résultat d’une éducation qui a mis une certaine hiérarchie de valeurs dans ma tête qui fait que je l’accepte ? Bourdieu explique, à mon goût, parfaitement bien la chose en développant la notion de « violence symbolique ».

La violence symbolique est cette coercition qui ne s’institue que par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu’il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d’instruments qu’il a en commun avec lui [Bourdieu, Méditations Pascaliennes]

Dit autrement, par Wikipédia, « Cette violence symbolique […]s’exerce avec le consentement implicite des dominés, car ceux-ci ne disposent, pour penser cette domination, que des catégories de pensée des dominants. »

La violence symbolique implique la servitude volontaire. Ce que j’appelais sur un de mes posts sur les réseaux sociaux : l’auto-oppression. Bourdieu identifie donc le fait qu’il y a des forces sociales dominantes qui traduisent « une distribution inégale des idées et des options politiques dans l’espace publique ». Et l’état est au cœur de cette distribution inégale pour construire cette violence symbolique : par l’éducation nationale notamment.

Pour compléter, je reprends ces phrases de ce blog :

La violence symbolique n’est ni un processus d’influence, ni une vaste manipulation. C’est une croyance collective qui permet de maintenir les hiérarchies. Elle a pour effet la soumission des dominés sans que les dominants n’aient besoin d’avoir recours à la force.
La violence symbolique consacre l’ordre établi comme légitime. Elle dissimule de ce fait, les rapports de force qui sous-tendent la hiérarchie sociale. Elle sert à pacifier les relations au sein de la structure sociale. […] Un monde sans violence symbolique est un monde où les rapports de force sont visibles et donc brutaux : soit c’est la guerre civile, soit c’est la dictature. Dans le monde de l’entreprise, c’est la culture d’entreprise qui fait office de violence symbolique. Et lorsqu’elle n’est pas assez forte pour donner une légitimité au « leadership » des managers, c’est à ce moment-là que les conflits ouverts et parfois violents font leur apparition. Lorsque le patron tape du poing sur la table et dit : « c’est moi qui commande ! », il a déjà tout perdu…

Je veux lier ce propos avec mon billet Religion et République. Pour moi, la violence symbolique est à la fois une menace et un héritage de l’Histoire pour une nation. Jean Monnet disait « Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions. […] Les institutions peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives. », et pour moi cela inclut l’idéal dominant qui est fait partie de cette sagesse accumulée. Si aujourd’hui, la France est une République, c’est par rapport à cette sagesse accumulée (que je ne souhaite pas comparer aux autres pays). Par exemple, si le port de signes religieux ostentatoires dans l’espace public fait aujourd’hui tant débat, c’est probablement parce que la violence symbolique n’est plus aussi forte sur ce sujet. Est-ce lié à l’échec de l’éducation nationale, à des courants de pensée plus forts ou à l’immigration ? Je ne sais pas et peu importe. Ce que je sais en tout cas, c’est que le rapport entre Liberté, relation à l’absolu/au-delà/Dieu, relations sociales et violence symbolique est complexe, et revient à questionner le caractère libre de nos êtres. Et considérer la République comme une religion ?

Pour aller plus loin sur Bourdieu et la violence symbolique, je vous conseille la lecture de ce document sur lequel je me suis appuyé : La Violence Symbolique chez Bourdieu, par Jean-Michel Landry.

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