Comment se projeter à l’aube de la fin d’un monde ? Chapitre 3b : le scénario négaWatt

Depuis 2001, l’association négaWatt met au point un scénario pour promouvoir la transition énergétique, pour une cible énergétique française soutenable. Actuellement, cela se traduit avec un scénario 2017-2050 qui repose sur trois piliers : la sobriété, l’efficacité et le renforcement des énergies renouvelables [négatWatt].

Pour la sobriété, négaWatt met en évidence la priorisation des besoins essentiels dans les usages individuels et collectifs. Pour l’efficacité, c’est avant tout la diminution de la quantité d’énergie pour un usage donné. Enfin, le passage aux énergies renouvelables est justifié pour positionner la production sur des ressources inépuisables.
Différents documents décrivent ce scénario et ils sont d’ailleurs bien détaillés [scénario-négatWatt].
La vidéo ci-dessous résume l’approche :

L’approche est assez similaire au précédent scénario de l’ADEME. Ici, c’est la consommation et la production d’énergie en France dont il s’agit. NégaWatt investigue différents secteurs et différentes actions prioritaires.

Secteur du bâtiment

Il s’agit :

  • D’augmenter le nombre de personnes par logement, avec une réduction de moitié de la part de maisons individuelles.
  • De diminuer la construction de logement neuf, et pour ceux que l’on construirait, d’utiliser des matériaux à faible énergie.
  • De favoriser la réhabilitation des logements existants avec une rénovation thermique de la totalité du parc.
  • D’utiliser massivement la pompe à chaleur comme moyen de chauffage.

4 mesures prioritaires pour supporter ces objectifs sont identifiées :

  • Par la réglementation pour obliger la rénovation, potentiellement lors des changements de locataire/propriétaire des logements.
  • Avoir un plan d’aménagement du territoire pour la densification et la réduction de la part de maisons individuelles.
  • Etablir une filière de formation de l’ensemble des acteurs du bâtiment sur la rénovation énergétique.
  • Mettre en place des mécanismes de financement en lien avec la réduction de la consommation.

Le coût de la rénovation thermique est évaluée à 50 milliards d’euros par an.

Secteur des transports

Pour les transports, il y a deux catégories : la mobilité des personnes et des marchandises.
Pour la mobilité des personnes, il s’agit :

  • De réduire la vitesse maximale autorisée sur route.
  • Un report de l’usage des voitures et de l’avion vers les transports en commun ou actifs (marche/vélo).
  • Une diminution des distances parcourues.
  • Une diminution de 60 % de la consommation des voitures.

Pour les voitures, cela implique aussi le passage des 3/4 du parc vers le biogaz et du reste vers l’électricité.
Pour la mobilité des marchandises, il s’agit :

  • De réduire les tonnages transportés et d’augmenter le taux de remplissage des camions.
  • De reporter le routier vers le ferroutage et le fluvial.
  • D’avoir une diminution de 40 % de la consommation des camions en plus d’un passage complet vers le biogaz.

Dans les mesures prioritaires, on retrouve :

  • L’arrêt des projets routiers et aéroportuaires au profit des infrastructures de transport en commun/ferroutage.
  • Instaurer une taxe kilométrique sur le fret.
  • Développer la filière véhicule au biogaz.
  • Revoir la fiscalité sur les carburants et stopper les subventions à l’aviation.
Autres secteurs

Sur le secteur industriel, c’est avant tout une réduction de la consommation de l’énergie et une diminution du gaspillage de matières premières. On retrouve donc :

  • La réduction des emballages.
  • L’augmentation du taux de recyclage.
  • L’usage des matériaux biosourcés.

Sur le secteur agriculture et alimentation, la priorité est à la réduction de la consommation des protéines animales et la conversion à l’agriculture biologique et agroécologique.
Sur la production d’énergie, l’objectif de privilégier la biomasse solide (bois, papier, carton) et le biogaz (méthanisation). La production d’électricité sera assurée par l’éolien, le photovoltaïque équilibré avec le power-to-gaz (électricité→ hydrogène → méthane).
En associant un cycle complet du carbone, en 2050, un pays comme la France pourrait être neutre en émission de gaz à effet de serre.

Discussion

négaWatt a chiffré l’ensemble des cibles et des situations. Cela donne une idée du vers où il faut aller. Toutefois, le chemin pour y aller n’est pas simple avec des transformations économiques et sociales très fortes. Des estimations des effets positifs sont avancées (création d’emploi dans l’isolation, le recyclage etc…) mais globalement le changement économique n’est pas clairement évalué.
Il y a aussi des éléments qui ne sont pas pris en compte, comme l’impact de la société du numérique ou le fait que le commerce est mondialisé. Même si l’on arrive à avoir un bilan neutre pour la France, il ne s’agit pas d’avoir délocalisé la pollution comme on le fait actuellement (avec l’import/export). Donc derrière des orientations qui apparaissent simples, c’est tout le commerce mondial qui doit évoluer. Est-ce qu’un pays comme la France peut se le permettre économiquement sachant que notre richesse dépend aussi de nos importations/exportations ?

Enfin, il y a aussi des raccourcis qui sont considérés. L’énergie et l’électricité en particulier pose de nombreuses contraintes techniques. Pour aller plus loin, dans le chapitre 3c, on va considérer une analyse plus fine à propos des énergies renouvelables électriques réalisée par Jean-Marc Jancovici [ENR].

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