De blesser, ma critique s’est arrêtée

Sommes-nous devenus si fragile que la moindre critique ou remarque pourrait être prise comme un drame ?

C’est une des questions que je me pose ici. Que ce soit sur la place publique avec les caricatures qui ont de plus en plus de mal à vivre, ou bien dans nos vies personnelles face à nos proches ou inconnus, j’ai l’impression que les résistances s’estompent et que la retenue et l’autocensure prennent de plus en plus le pas sur l’expression libre.
Bien entendu, la critique ne doit pas être faite pour blesser mais pour mettre en avant des faits, des gestes, des idées, des réactions. Il est clair que quand Guillon se met à caricaturer Eric Besson tant sur son physique, ses intentions, ses faits ou ses pensées, il attaque, il peut blesser mais qu’en est-il du contenu ? Cela reste une caricature qui dénonce certains faits, gestes ou idées dans le but à la fois de faire rire et d’alerter. Et il le démontre bien en se comparant aux dessinateurs comme Plantu. De là à ce qu’un président de radio aille s’excuser…
L’autocensure rampante est très dangereuse : elle prend des traits divers selon les milieux : politiquement correct, éducation, bonnes manières… Tous ces traits sont des inhibiteurs d’expression, qui empêchent le « moi » de s’exprimer ouvertement par peur de choquer ou de blesser. Mais dans quelle société sommes-nous ? Quel est cet étau qui voudrait nous enfermer dans un mode unique de pensée, dans un cocon ou un monde tout en coton qui ne l’est clairement pas ?
La critique et la caricature ne nécessitent pas spécialement d’énormes facultés intellectuelles. En revanche, les travailler est un sport. Est-ce que notre société est en train de fabriquer des moutons trop sensibles pour que toute critique puisse exister ? Peut-être ! Toutefois, la pensée unique, l’absence de confrontation est un catalyseur pour fabriquer des moutons qui n’ont plus de valeur propre.
Bien sûr, tout a des limites. Il y a ce qui est légal et le reste. Une dernière illustration, celle des propos d’Eric Zemmour, éclaire bien cette limite : rien dans ce que dit Zemmour n’apparaît illégal (et la plainte a été retirée). Mais cela choque et sans même discuter du fond, les « ordonnateurs » de la pensée officielle s’agitent dans tous les sens.
Sur un autre plan et si j’ose, cette autocensure de la forme qui cache une censure du fond, est totalement compatible avec notre civilisation de l’image et du paraître : nous critiquons la forme (le plus facile) et on s’arrête là. C’est le degré zéro de la réflexion. Paradoxalement, les humoristes et caricaturistes utilisent beaucoup cet artifice de forme pour toucher le plus largement possible leurs auditoires. Mais le travail est aussi dans les détails, à disséquer et à positionner. Et c’est justement là que cela devient intéressant, pour comprendre les subtilités.
Malheureusement, l’humain est un prédateur et plus que la force physique, la force psychologique règne de mains de maîtres dans notre société d’assistés mentaux. Exprimez-vous, lâchez-vous car c’est de la confrontation que naissent les nouvelles idées, les réflexions, l’intelligence… en somme ?

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