Provoquer l’échange sociabilisé !

(Où comment, nous, chaque être humain, socialisons avec les autres humains). L’Humain est à mes yeux une machine à paradoxes et cela est d’autant vrai dans la nature des échanges qu’il établit avec les autres.

Pour comprendre les intentions qui se cachent derrière un comportement, il faut parfois s’y prendre à plusieurs fois : est-ce que de la timidité peut être l’expression d’une gène, d’une indifférence, d’une passion ou tout simplement d’une peur ? La réponse est positive et c’est dans cette confusion que nous gravitons entre joie, bonne humeur, amour et rejet. Le rapprochement que l’on peut faire entre deux individus, avec ou sans amour, doit faire avec ces paradoxes. Ici, je ne souhaite pas faire un état de l’art mais juste un regard sur des situations qui ont croisé ma vie et qui les croiseront sans doute encore et encore.

La sociabilisation est pour moi l’action que chaque individu réalise quand il établit des échanges avec les autres. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’échange qui a de la profondeur comme l’amour/amitié.
Elle dépend de beaucoup de paramètres, tant individuels que collectifs. Sur les paramètres individuels, il y a le caractère de la personne, ses préférences et sa situation dans la vie. Sur les collectifs, nous retrouvons les étapes de la vie, les coutumes et les valeurs de la société. Le temps peut jouer un grand rôle car nos activités ont des conséquences sur notre capacité à sociabiliser. De même, chacune des situations personnelles, comme le manque ou le contentement affectif ont un impact majeur sur cette capacité.

Notre société nous enferme dans un petit moule, où on nous raconte dès notre plus jeune âge quel sera le déroulement de notre vie. Je ne reviens pas sur l’image type du « avoir des enfants, une maison, un break et un chien », mais il y a un peu de çà. J’essaie par le graphique suivant d’illustrer des facteurs entrant dans notre capacité à sociabiliser.

Sur cette courbe, nous pouvons observer des variations. Je considère que c’est vers 18 ans que nous avons le taux le plus élevé. Cela s’explique par le fait que le jeune adulte commence à comprendre réellement ce qu’est l’amour, l’amitié et l’engagement. De plus c’est aussi là que se décident les principales valeurs auxquelles le jeune adulte va souscrire (et donc avec les personnes correspondantes). A partir du moment où le jeune adulte va assouvir son besoin de ne plus être seul, notamment en établissant un couple, son taux va commencer à baisser. Dès que des enfants entreront en scène, les priorités changent en faveur de l’univers social déjà construit. A partir du moment où les enfants grandissent et deviennent autonomes, le taux de sociabilité remonte, à la fois pour faire face à l’érosion social (les longues relations sont difficiles à maintenir notamment à cause des évolutions des perceptions) mais aussi par la peur de se retrouver seul au bout dans le trou.
Alors, bien entendu ce schéma ne peut pas correspondre à toutes les personnes mais plutôt à un profil du type « j’ai mon amour entre 18 et 23 ans, puis des enfants et j’ai un caractère moyen ». Je pourrais réaliser plein d’autres courbes.
En revanche, ce qui semble valable pour tout le monde, c’est que notre capacité à rechercher l’autre dépend du « où » nous en sommes dans nos vies et des attentes associées tout en sachant que l’humain a un temps et des capacités limitées (et donc des priorisations). De plus les facteurs culturels et sociétaux conditionnent fortement nos attentes et nos comportements. Par exemple, nous vivons dans une société occidentale qui met l’accent sur l’individualisation des comportements. Cette situation n’est pas universelle et je suis persuadé que des scientifiques comparent les différentes sociétés sur ces aspects.

Provoquer l’échange se heurte à tous les éléments à la fois : à la situation personnelle des individus, à leur caractère et aux aspects environnementaux sachant même que la perception de tous ces éléments est elle-même soumise aux subjectivités de la personne qui observe. Personnellement, j’ai vécu des situations dans lesquelles j’avoue bien volontiers mon impuissance à comprendre et gérer des relations sociales. Sans aller aussi loin que « L’enfer, c’est les autres », la relation humaine est à la fois une machine à enthousiasme et une machine à frustration. Cela dépend de nos attentes personnelles, des actions que nous mettons en face et de l’existante frustration que nous y plaçons, et de la réaction de l’autre partie que nous essayons de comprendre sans le référentiel de pensée correspondant. Avec autant d’inconnues, il est normal d’y perdre son latin.

Toutefois, il est quelques principes que je vais discuter ici. Tout d’abord, l’humain est généralement fainéant : la facilité est quelque chose de physique. Cela demande plus d’énergie de maintenir des relations distantes que celles rapprochées, même si cela ne se joue qu’à quelques kilomètres en bas de chez soi. Maintenir l’énergie pouvant se défaire de ce principe est aussi soumis à l’épreuve du temps, de même que les sentiments et l’intéressement qui sont de véritables aides sachant que l’intéressement peut être purement spirituel ou physique. Autre principe, il est plus facile de voir les faits négativement que positivement : cela fait référence à la notion de confiance et à la peur de la trahison : trahison dans les actes, trahison dans les sentiments, trahison (interne) par rapport à l’image que nous nous faisions des faits. Autre principe : tout évolue avec le temps : chaque moment passé n’est qu’un souvenir et ne présage en rien de ce que sera le futur : c’est aussi vrai pour les relations humaines. Enfin, l’écoute et la compréhension sont des éléments clés pour aller au coeur des échanges. Cela nécessite du temps, du recul et beaucoup de réserves psychiques qui ne sont pas forcément disponibles au bon moment.

Tous ces éléments subissent aussi la mutation électronique, où l’émergence de la communication facile agit : communiquer sans conséquence, nous pouvons dire à peu près tout et n’importe quoi à partir du moment où il y a une interface. Cet écrit, d’ailleurs, en est un exemple à sens unique. La communication à double sens électronique est dangereuse : elle augmente le risque de la mauvaise interprétation et la frustration. Le langage corporel (un regard, un positionnement de corps…) vaut mieux que toutes les interfaces, même si la facilité électronique est là.

Est-il possible de dépasser toutes ces contraintes ? De temps en temps, je rêve de m’isoler sur une île déserte. Je sais au fond de moi que cela n’est pas possible, car même si l’Enfer, c’est les autres, je les préfère au néant de la solitude. Je pense que je ne me poserais pas toutes ces questions si la société dans laquelle nous vivons ne reposait pas tant sur cette utilisation de la peur de l’autre (ok je me pose trop de questions). Il est difficile d’en faire abstraction et observer les gens plus expérimentés/âgés permet de trouver des pistes pour s’améliorer. Je reste dubitatif. Je m’en remets à vous, lecteur assidu, pour provoquer l’échange.

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