Déconfinement en séries : The Man in the High Castle

A l’origine, The Man in the High Castle (Le maître du Haut Château) est un roman de science fiction écrit par Philip K. Dick en 1962.

C’est une histoire uchronique, où l’Histoire de notre monde est réécrite par rapport à un changement d’un événement passé. Ici, les nazis et leurs alliés japonais ont remporté la seconde guerre mondiale suite à différents événements qui ont modifié le cours de l’Histoire telle qu’elle existe dans notre réalité. Les Etats-Unis d’Amérique sont principalement découpés en trois zones : les états à l’Est des rocheuses qui appartiennent au reich nazi allemand, les états à l’Ouest des rocheuses qui appartiennent à l’empire japonais et la zone des rocheuses qui est une zone neutre/tampon.

La série télévisée est donc une adaptation de ce roman. En 4 saisons, nous suivons différents personnages situés dans ces trois zones et l’action démarre en 1962 dans ce monde alternatif. C’est l’occasion de découvrir une Amérique transformée depuis leur capitulation depuis 15 ans, d’un côté avec la déclinaison du reich à New York et villes adjacentes et d’un autre côté avec la conversion japonaise de San Francisco. Comme toute uchronie, The Man in the High Castle, par son décalage, nous questionne sur notre réalité, totalement humaine.

3 arguments pour voir cette série ?

Le premier argument est lié à l’univers décrit par la série. Les USA ont capitulé, mais on ne sait pas exactement par quel moyen au départ de la série. La représentation d’un New York nazi est tout simplement impressionnante de détails. Il en va de même du San Francisco japonais. La description du reich allemand, avec l’évolution des différents protagonistes historiques (Hitler, Himmler ou Heydrich) est une source de réflexions perturbantes. L’avance technologique du reich et ses « grands projets » sont aussi très bien illustrés et posent de nombreuses questions. Les aspects d’épuration sont aussi traités en profondeur avec toute l’horreur et l’effroi associés : cette série est dure, très dure à regarder sur bien des aspects. L’Est américain fait partie du reich avec des nazis américains. D’une façon différente, la conversion japonaise de l’Ouest américain se montre plus douce, mais sur le fond tout aussi horrible : il s’agit là principalement d’une occupation avec une police militaire japonaise intraitable. On comprend vite que les deux blocs japonais et nazis sont en compétition et que les nazis sont plus puissants et gagnent du terrain. Les USA ne sont qu’un terrain d’affrontements à peine masqués. Cet univers questionne la géopolitique et les choix associés dans un contexte différent de notre réalité mais que l’on peut tout le temps rapprocher à ce que nous vivons actuellement. Il met en avant l’horreur des dictatures et des oppressions mais aussi le formidable esprit de résistance. Il questionne la nature humaine, ses motivations et ses aspirations. Finalement, c’est un univers miroir du notre qui nous rappelle ce à quoi on a pu échapper et les choses sur lesquelles nous devons agir pour l’empêcher de se réaliser.

Le second argument est l’interprétation sans faille de Rufus Sewell. Il interprète le personnage de John Smith, qui est américain et un haut gradé nazi en charge à New York.

Rarement une interprétation m’aura autant marqué : calculateur, implacable, il a tout du grand méchant de la série. Pourtant, au fil des épisodes, en connaissant son histoire, en observant ses décisions, je suis arrivé à le comprendre, à m’identifier à ce personnage pris dans des dilemmes difficiles, de ses mauvais choix et de l’impossibilité à revenir en arrière avec une fuite en avant qui l’amène toujours plus loin dans l’horreur. Ce personnage est horrible par ce qu’il est, par ce qu’il fait. Il est prêt à tout pour sa famille, pour sa place. Et cette question qui tournait sans cesse dans ma tête : « j’aurais fait quoi à sa place ? ». Rufus est prodigieux.

Le troisième argument est lié aux autres personnages. A côté de John Smith, il y a sa femme Helen, interprétée par Chelah Hosdal.

Dévouée, elle applique ce que le reich impose à son rôle de mère, fidèle et dévouée à son mari. Helen, c’est l’histoire d’une façade qui se fissure au fil du temps : plus la réalité de John devient horrible, et plus Helen se fissure. C’est un personnage touchant et troublant : troublant car elle est la femme aimante d’un homme horrible comme John et en même temps, elle en doute et souffre. Elle se cache dans l’ombre imposante de son mari, prise dans la même fuite en avant. C’est une bombe à retardement. C’est magnifiquement bien interprété. Côté Japonais à San Francisco, j’ai énormément apprécié le personnage Nobusuke Tagomi, interprété par Cary-Hiroyuki Tagawa.

Tagomi est ministre japonais du commerce, présent à San Francisco. Il est âgé et représente une certaine sagesse japonaise. Il est pris en étau entre ses valeurs, son honneur japonais et sa fidélité à l’empire. C’est un personnage de résistance passive : il fait tout pour éviter la guerre sans perdre la face et en respectant ses obligations. Il a bien conscience que son camp est en train de perdre mais il ne partage pas du tout la violence utilisée par la police de l’Empire. Il est pris dans cette contradiction et l’interprétation toute en nuance de Tagawa est sublime.

Enfin il y a le personnage de Juliana Crain interprétée par Alexa Davalos. Juliana est une femme que rien ne prédestine au rôle qu’elle va jouer dans les 4 saisons. Naïve, elle sera violemment choquée et poussée à agir en rapport avec la résistance. Manipulée, elle risque gros et prend tous les risques, y compris en impliquant ses proches. Elle agace le spectateur car elle commence par subir les événements sans y réagir de la meilleure façon. Sa ténacité et son courage seront ses grands atouts et elle illustre le « quand on veut, on peut ». Mais le prix à payer est très élevé : son innocence et sa famille. Personnage magnifiquement écrit tout au long des 4 saisons et magnifiquement interprété par Alexa, avec ses forces et ses faiblesses. Au final, tous les personnages sont superbement traités et interprétés.

3 contre-arguments ?

Le premier contre argument concerne l’histoire qui comporte un aspect de science fiction qui nuit parfois au déroulement de la série. Dans The Man High Castle, les résistants cherchent à protéger des films à l’origine inconnue qui montrent notre réalité (avec les alliés qui ont gagné la guerre). Dans les films, certains des personnages apparaissent et cela créé un sacré trouble dans leurs croyances. Par rapport au roman, la série apporte une vision légèrement différente et c’est bien. Toutefois, il n’est pas toujours clair où le scénariste veut nous emmener sur cette question.

Le second contre argument est lié la lenteur de la série. Il est difficile de rentrer dans la série et il faut être attiré et passionné par ce style particulier associé aux uchronies. En plus, c’est un univers nazi. Il faut être émotionnellement assez détaché pour voir cette série.

Le troisième contre argument est lié à la saison 4 qui s’avère différente des 3 premières. Il y a un décalage qui surprend un peu mais qui finit par rentrer dans le rang. La saison 4 est clairement plus rapide avec plus d’action en lien avec le suspens final.

Alors, au final ?

Je considère que The Man in the High Castle est l’une des meilleures séries que j’ai vues. C’est donc un 5/5. Les personnages sont magistralement écrits. Ils sont complexes et non manichéens. L’univers uchronique est un miroir de la réalité et tous les épisodes dissèquent l’âme humaine. Cette série m’a profondément marqué et m’a fait réfléchir de nombreuses fois : mon sommeil a souvent été troublé. Une adaptation magistrale de l’œuvre de Philip K. Dick, à voir sur amazon prime video.

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